Hélène Caussignac

Helene Caussignac

La condition humaine -

L’être humain arrive sur terre avec son corps, un corps humain, excessivement complexe, composé de tous ses organes arrivés à maturité au cours de la grossesse, avec à leur tête (c’est le cas de le dire !) le plus complexe de tous, le cerveau humain. Ce corps parfait est capable de vivre dans les conditions requises sur cette terre, si un autre humain, adulte, le nourrit et s’occupe de ses besoins pendant la période, relativement longue, pendant laquelle il devra grandir suffisamment et apprendre tous les rudiments de la vie humaine.
Toute son expérience de vie, pendant un certain temps (jusqu’à ce que son mental se développe) se résume à des sensations agréables ou désagréables qui viennent essentiellement du corps et qu’il se contente de vivre à l’instant où elles se produisent. Peu à peu, il va se rendre compte que, sur cette terre, sa mère, ainsi que le reste du monde, qu’il ressentait au départ comme faisant un avec lui, est une autre personne, et que ses sensations agréables ou désagréables sont très liées avec ce que fait ou pas cette autre personne.

Les processus mentaux de l’enfant se forment au gré de ses expériences, et donc, au début de sa vie, essentiellement au contact de ses parents puisque ce sont les personnes qu’il côtoie le plus souvent.
Au départ, un bébé ne pense pas, du moins, pas de manière construite. Il mange et dort, et grandit, pendant les premiers mois de sa vie. Ensuite, alors que son corps acquiert de nouvelles compétences, il se rend compte qu’il peut en faire quelque chose, et n’étant pas encore influencé par quoi que ce soit, la pulsion de vie en lui le pousse à découvrir, et il va tenter des tas de choses. Il va, par exemple, attraper des objets et les lancer pour voir ce qui leur arrive alors. Quand il va se rendre compte qu’il peut se mouvoir tout seul, il va faire tous les efforts qu’il faut pour aller plus loin, avancer à quatre pattes d’abord, puis se lever et apprendre à mettre un pied devant l’autre pour marcher. Et bien évidemment, tous ces gestes, surtout de nos jours où les enfants sont surprotégés, il ne va pas les faire seul, il y a toujours un adulte près de lui pour commenter et juger de ses progrès. Selon l’attitude de cet adulte, et surtout selon la manière dont il la percevra, ce qu’il comprendra de la vie sera totalement différent, et contribuera ensuite à figer ses structures mentales dans une personnalité particulière. Même s’il ne « pense » pas encore, ces ressentis vont s’imprimer dans son corps émotionnel, et quand les pensées viendront, elles seront colorées par ce qu’il aura retenu de ses expériences de ressentis précoces, pour résumer de manière très simple les choses, soit par la joie, soit par la peur – qui dans le ressenti psychologique se divisent ensuite en milliers de variantes.
Au cours de la petite enfance, nous devons nous adapter à ce monde exagérément complexe que nous ne comprenons pas, et que nous percevons parfois comme dangereux ou désagréable, ce qui constitue alors une souffrance intense. Que ces « problèmes » soient réels ou non importe peu, cet état de fait constitue la blessure originelle de l’être incarné, et c’est la perception qui compte car c’est à partir de celle-ci qu’on va développer les mécanismes de défenses (compétences, croyances, stratégies) qui, à ce moment-là, nous semblent la meilleure adaptation possible.

Au cours de son enfance, son cerveau, formidable ordinateur quantique, passe son temps à observer et emmagasiner des données, et à partir de ces données, son mental se structure peu à peu – c’est ce qu’explique la psychologie du développement. Très vite va se former ce qui va devenir son égo, ce qui va constituer sa personnalité humaine, c'est-à-dire une structuration de schémas mentaux conditionnés et construits puis enregistrés, en fonction de l’environnement dans lequel l’enfant vit, et de l’interprétation qu’il fait des réponses émotionnelles que lui renvoie son entourage humain.

Et ainsi, alors que l’être humain dispose à la base de toutes les ressources et capacités instinctives, émotionnelles et mentales lui permettant de développer une personnalité équilibrée, l’élaboration de ces mécanismes sélectifs va lui faire privilégier certaines capacités au détriment des autres, qui vont « s’endormir » littéralement, et auxquelles il va perdre accès peu à peu, au fur et à mesure que ces mécanismes de défenses s’inscrivent dans l’inconscient et deviennent ensuite les « programmes » qui se rejouent sans cesse. Ces programmes réduisent considérablement la large gamme initiale des perceptions possibles du monde et donc des potentialités humaines originelles, et par là-même font de nous des individus déséquilibrés ayant perdu une bonne partie de leur liberté.

Au cours de l’enfance et de l’adolescence, et ensuite pendant toute la vie adulte, ce processus ne cesse de se produire et de (re)modeler l’égo de l’être humain. C’est ce qui nous conduit à choisir un métier, choisir une compagne ou un compagnon, et reproduire ce qu’en général la société dans laquelle nous vivons attend de nous. Nous pensons choisir mais en réalité, nous sommes tous conditionnés, même si, et c’est le cas pour la grande majorité des gens, nous n’en avons bien souvent pas la moindre conscience.